mercredi 9 août 2017

Les Guimbardes de Bordeaux


Les livres d'occasions recèlent parfois des surprises que n'offriront jamais les volumes neufs. J'ai reçu ce matin Les Guimbardes de Bordeaux, livre de Stephen Hecquet (nous reviendrons sur les deux, l'auteur et son ouvrage, dans les prochains jours, sans doute), publié par La Table Ronde en avril 1958. J'y découvris d'abord, entre les premières pages jaunies et odorantes, une feuille de papier pliée en deux, visiblement depuis longtemps si j'en juge par le soin qu'il m'a fallu pour l'ouvrir ; l'ensemble avait à peu près le format d'une carte d'anniversaire. Une fois dépliée, on y voyait, sur la page de droite, le dessin d'un jeune homme en uniforme : large béret incliné sur l'oreille droite, chemise à manches retroussées et ornée d'un insigne tricolore, pantalon large façon golf, chaussettes roulées sur de grosses chaussures noires : le jeune homme fait le salut militaire, dans un cadre lui aussi tricolore ; dessous, ces lettres : C.J.F.

Sur la page de gauche, deux lignes d'écriture. La première, à l'encre bleue : « En souvenir de nos “Chantiers” 1941. » La seconde est inscrite en rouge : « Fait le S. 25 avril 1959. » On croit comprendre qu'il s'agit d'un cadeau fait par un ancien membre des Chantiers de la Jeunesse française, créés en juillet 1940, à l'un de ses camarades de l'époque ; lequel camarade, scrupuleux, a inscrit au crayon à papier sur la dernière page du livre : « Lu du Jeudi 16 au Vendredi 24 avril 1959. » Si bien que, soudain, à cause de la discordance des dates, on ne sait plus trop qui est l'auteur du dessin et de l'envoi. Ce n'est pas tout. 

Entre les dernières pages sont intercalées trois coupures de journaux. La plus importante est aussi la plus ancienne : une pleine page de Rivarol, du 1er mai 1958, dans laquelle Lucien Rebatet dit tout le bien qu'il pense du livre que l'on tient entre les mains. La deuxième est un simple entrefilet, daté à la main du 6 mai 1960, d'un journal inconnu, qui annonce la mort de Stephen Hecquet, à l'âge de 40 ans. La troisième, enfin, est une sorte de portrait de l'écrivain, paru dans Carrefour le 24 janvier 1962 ; il n'est pas signé mais est présenté sous le titre de ce qui doit être une tribune régulière : Propos du magot solitaire.

Lorsqu'on a mélancoliquement épilogué sur ces divers personnages, le connu et les autres, en se disant qu'ils doivent être tous morts depuis déjà un moment, que l'on a réveillé quelque chose qui n'aurait peut-être pas dû l'être, qu'on les a troublés dans leurs conciliabules d'ombres, on sent que l'on est désormais tenu de lire ce livre tombeau, et de le faire avec une certaine touche de gravité.

9 commentaires:

  1. Et puis, avouez-le aussi, elles vous plaisent bien ces guimbardes !
    Alors bonne lecture, à vous !

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    1. Non, je ne me suis jamais intéressé aux voitures anciennes.

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    2. Vous seriez donc un sentimental romantique pur et dur ? De ceux qui s'extasient tendrement sur une fleur séchée venue du fond des âges, trouvée par hasard dans un livre abandonné ?
      Ce n'est pas une mauvaise nouvelle !

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    3. C'est mon côté "gros veau sentimental", qu'avait dûment noté Ygor Yanka, voilà déjà quelques années…

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  2. Ce qui amène tout naturellement un épilogue philosophique de Madame Mildred, toujours soucieuse de montrer le bon exemple aux débatteurs qui s'éloignent trop du sujet...

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  3. Je me demande combien de vos lecteurs auront l'idée, comme moi, d'inscrire "gros veau sentimental" dans votre moteur de recherche ?
    Ils tomberont sur ce magnifique billet intitulé "À ma fille" que j'avais évidemment complètement oublié !
    Parrain, sachez-le car je vais essayer de ne pas vous le répéter : je vous adore !

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  4. C'st joli comme billet. ça ferait un édito parfait pour le supplément littéraire d'un journal.

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  5. Charmante et complice attention, un goût très sûr, comme de bien entendu...

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.